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Crise sanitaire : Monsieur L. à La Guadeloupe
Crise sanitaire : Monsieur L. à La Guadeloupe

Crise sanitaire : Monsieur L. à La Guadeloupe

Attention. Ce qui va suivre est une fiction. Toute ressemblance avec la réalité serait donc purement volontaire.

Il est dix-sept heures au Conseil régional de Guadeloupe. Soudain, un cri : « Bon alors, il vient ce papelard ? On a pas toute la journée, Monsieur le commis d’État ! » À la veille de Noël, on aurait pu s’attendre à une ambiance plus légère. Il faut dire que les syndicats locaux, emmenés par la CGT et FO, n’avaient pas le cœur à la fête. Durant des mois, ils avaient protesté. Puis, devant le silence de la métropole, ils avaient occupé. Les ronds-points, les rues, et maintenant le Conseil régional. Enfin, cela avait fonctionné, et un commis du Ministère, Monsieur L., était arrivé sur place. Des regards avaient été échangés, des papiers avaient circulé, et des stylos avaient griffonné un accord resté, pour l’heure, confidentiel. Récit de ce grand événement.

Trois heures plus tôt, le soleil hivernal s’éveillait tout juste dans la grand-rue de Saint-Pierre qui jouxtait le Conseil régional. Dehors, personne, seul une brise sèche murmurait faiblement à travers les pavés. À l’intérieur, des syndicalistes, des militants contre le sésame sanitaire, contre l’obligation vaccinale, et des gens, ordinaires, venus voir comment ça se passe. Ambiance solennelle dans la salle. Z., responsable syndical costumé pour l’occasion, a pris la place du Président de région. Ce dernier s’était confiné chez lui à l’approche des fêtes, non par peur du virus mais pour éviter les hostilités des habitants, irrités par son attentisme et sa complaisance avec la métropole. Alors que les occupants tombaient la veste, et que les bras de chemises devenaient majoritaires, on entendit une exclamation. C’était le guetteur, installé près de la porte. « Il arrive ! C’est lui ! Préparez les contrats ! »

Des contrats signés, des accords « pour le moment confidentiels » selon Monsieur L.

Et en effet, c’était lui. Monsieur L., grande oreilles et petite mallette, s’avançait seul sur les pavés, avec la grandeur que l’on se peut imaginer pour un commis d’État. Sa silhouette se découpait sur le soleil finissant. Devant lui, la Guadeloupe lui tendait les bras. Ou plutôt, elle lui tenait la porte, à peine assez large pour les oreilles de l’envoyé de la métropole qui s’y reprit à deux fois, provoquant l’ire des syndicalistes massés dans la salle. « Bonjour Mesdames, bonjour Messieurs ! » déclara chaleureusement Monsieur L., soucieux d’instaurer un climat de détente. On soumit d’emblée au commis une liste de papier, qu’il étudia et parapha un à un avant d’ouvrir son attaché-case en présentant à son tour une série de documents aux représentants des manifestants. On sortit les lunettes. Les discussions commencèrent. L’alinéa 2 de la page 12 fit débat. Il stipulait en effet que « tout contrevenant à l’accord susdit, et ne respectant pas les clauses préalablement mentionnées, se verra, en vertu de l’article 8.45 du Code des négociations, appliquer la sanction telle que prévue dans la loi du 2 janvier 1992, art.23-1 et 23-2. » Voilà en effet qui laissait songeurs les opposants sanitaires. À vrai, Monsieur le commis d’État ne comprenait pas tout lui non plus. Les deux parties furent d’accord pour abroger cet extrait controversé. Il fallut avoir recours à un autre papier, qui n’avait pas été rédigé. Catastrophe. Quelqu’un fut chargé d’écrire quelque chose, très vite. Dans les rangs des occupants, on s’indigna : « encore une manœuvre pour nous déstabiliser ! »

Finalement, la méfiance céda la place au soulagement. Monsieur L., qui transpirait à grosses gouttes, se dépêcha de signer. On se serra la main, au mépris des règles sanitaires, ce que Jocelyne, 96 ans et rompue aux négociations, trouva « très symbolique ». Le commis comme les syndicalistes se bornèrent à un commentaire : « les accords conclus sont pour le moment confidentiels. » Avant un beau cadeau pour le lendemain ?

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